AVEZ-VOUS PEUR DE MANGER ?
Revue Châtelaine octobre 2001 page 56

Sujet:Autopsie d'une contradiction

En première page la photo d'une des comédiennes la plus maigrichonne du Québec : Élise Guilbault. Nous pourrions dire qu'elle n'est qu'à fleur de peau et d'os.

Dans leur section mode, il utilise encore des mannequins anorexique (photo prise en page 119).

On peut y lire:

Selon Frances M.Berg, gourou anti-régimes, le tiers des femmes en Amérique sont sous-alimentées. "Sans être anorexiques, elles passent leur vie à être affamées", soutient-elle. Par Nathalie Collard

Cette dernière, une nutritionniste qui enseigne à la faculté de médecine de l'université du Dakota du Nord, est en guerre contre les régimes depuis plus de 15 ans. Fondatrice et rédactrice en chef du Healthy Weight Journal, elle a publié une dizaine d'ouvrages sur les troubles de l'alimentation et la nutrition. Son dernier livre, Women afraid to eat (littéralement, les femmes qui ont peur de manger), s'adresse aux très nombreuses femmes qui sont obsédées par leur poids.

" De 50% à 80 % des Américaines désirent maigrir, affirme Frances M. Berg, jointe par téléphone. (Au Canada, selon une étude publié dans le Journal de l'Association médicale canadienne (1997), 37% des femmes ayant un poids santé ( et 8% de celles qui sont sous la barre du poids santé) essaient de maigrir. Le jour où les femmes cesseront de se préoccuper de leur poids de façon maladive et s'accepteront telles qu'elles sont, l'industrie de la minceur va s'écrouler ! Et je serai la première à m'en réjouir..."

Dans Women Afraid to Eat, madame Berg affirme qu'il existe un lien entre les pseudo-experts qui se prononcent sur les dangers de l'obésité et les entreprises qui ont des intérêts dans l'industrie de la perte de poids et des aliments diététiques. Cette industrie, dit-elle, n'a rien à gagner d'un discours qui ferait la promotion de la santé " à n'importe quel poids ".

Son livre est donc une charge contre les régimes, quels qu'ils soient. The Zone. Scarsdale, Fit for life... Et elle n'a pas davantage de pitié pour les jeûnes censés purifier et désintoxiquer l'organisme. " Des concepts irrationnels et non scientifiques, dit-elle. Les régimes ne fonctionnent tout simplement pas ! Pire, ils sont dangereux pour la santé des femmes."

Dans un chapitre intitulé " L'alimentation dysfonctionnelle ", Frances M. berg met ses lectrices en garde : " Quand on saute un repas, qu'on ne mange pas à sa faim, qu'on calcule constamment ce qu'on ingurgite ( nombre de grammes, de calories, de matières grasses) ou, encore, qu'on se prive pour gaver quelques heures plus tard, on a ce qu'on pourrait appeler une alimentation dysfonctionnelle."

La nutritionniste remet même en question la notion de poids santé ou poids idéal proposée par certains professionnels de la santé : " Le corps a une "opinion" sur combien il devrait peser, affirme-t-elle. Le poids idéal, c'est combien on pèse naturellement, en fonction de son bagage génétique, en s'alimentant normalement. C'est pour cette raison que les régimes ne marchent pas. Le corps finit toujours par retrouver "son" poids."

Dans son livre, madame Berg consacre un chapitre au syndrome de la faim constante. La femmes qui se tiennent dans un état permanent de privation sont moins performantes, plus isolées, dit-elle ; elles s'exposent à devenir anorexiques ou boulimiques. " Sans être anorexiques, certaines femmes passent leur vie affamées, en chipotant dans leur assiette. D'un côté, elles souffrent, mais de l'autre, elles reçoivent l'approbation de la société. On les trouve belles et désirables parce qu'elles sont minces. " Le pire, ajoute l'auteure, c'est que ces femmes pensent sans cesse à la nourriture.

On l'a souvent dit, les média ont leur part de responsabilité dans cette promotion de la minceur à tout prix. Mais Frances M. Berg va plus loin. " Au cours des dernières années, à force de nous montrer des femmes qui ont l'air d'anorexiques en rémission, les médias ont rendu les troubles alimentaires séduisants. On ne parle plus de minceur mais de maigreur. La situation est grave."

Votre alimentation est-elle dysfonctionnelle ?

1. Limitez-vous régulièrement votre apport nutritif ?
2. Sautez-vous régulièrement des repas ?
3. Suivez-vous des régimes ?
4. Calculez-vous le nombre de calories, la quantité de gras que vous consommez ; pesez-vous votre nourriture ?
5. Certains aliments vont font-ils peur ?
6. Vous tournez-vous vers la nourriture quand vous êtes stressée, anxieuse ?
7. Déclarez-vous de ne pas avoir faim ou être remplie après avoir mangé une très petite quantité de nourriture ?
8. Évitez-vous de manger en compagnie d'autres personnes ?
9. Vous sentez-vous coupable après avoir mangé ?
10. Considérez-vous que vous pensez trop souvent à la nourriture et à votre poids ?
Selon Frances M. Berg, si vous répondez oui à trois de ces questions, vous êtes une mangeuse dysfonctionnelle.

S.O.S.
Anorexie-boulimie - page 55

Les troubles de l'alimentation affectent de nombreuses adolescentes, mais aussi des milliers de femmes adultes. Et il existe trop peu de ressources pour les aider.

Geneviève ( non fictif ) est devenue boulimique à l'âge de 25 ans. Son histoire est classique. Fille unique d'un milieu aisé, élevée par une mère obsédée par son poids - se nourrissant presque exclusivement de salade -, elle a grandi dans un environnement où l'image corporelle était très importante.

Du côté de l'Association québécoise d'aide aux personnes souffrant d'anorexie nerveuse et de boulimie (ANEB Québec), on estime à 40 000 le nombre de femmes aux prises avec un trouble alimentaire, au Québec seulement. Au Canada, on évalue à environ 300 000 le nombre d'anorexiques âgées de 13 à 40 ans, alors que les boulimiques seraient deux fois plus nombreuses.

Or, voilà, les ressources sont loin d'être suffisantes pour répondre à la demande. Quand Geneviève à décidé à appeler l'Hôpital Douglas, seul établissement public spécialisé dans le traitement des troubles alimentaires chez les l'adultes, on lui a offert d'ajouter son nom à liste d'attente - en fait, l'Hôpital ne dispose que de six lits pour traiter ce genre de problème. On y reçoit environ 180 nouveaux cas par années et quelque 260 personnes sont vues au total. Mais il faut compter en moyenne un an d'attente avant d'y être admise.

" Les troubles alimentaires sont les grands oubliées de notre système de santé ", croit Clémence Rancourt, fondatrice du centre Carpe Diem. À Saint-Ludger, près de Lac Mégantic.

Extrait - La Tortu sur le dos - Annick Loupias - page 61

Dans un témoignage troublant, Annick nous révèle jusqu'où peut aller un comportement boulimique. Après des années à osciller entre gavage et privation, il faudra la mort de sa mère et l'aide de sa thérapeute (Annette Richard, qui signe l'introduction au récit d'Annick), puis l'intervention d'une diététicienne (Louise Lambert-Lagacé) pour qu'elle arrive enfin à voir une relation normale avec la nourriture, et avec l'amour...

Trop mince pour être enceintes - page 66

La quête de la minceur et de la forme peut avoir une bien fâcheuse conséquence : l'infertilité.

" Je ne suis pas maigre comme Céline Dion, lance Marie-Josée Blondin, 31 ans. Mais c'est vrai que j'ai toujours fait attention à mon poids. Il y a quelques années, j'ai perdu 10 kilos et, pendant que j'essayais de devenir enceinte, je m'entraînais six fois par semaine. "

Marie-Josée Blondin n'est ni anorexique, ni ballerine, ni athlète olympique. Mais pour cette jeune professionnelle de la banlieue ouest de Montréal, comme pour beaucoup de ses contemporaines, les poids est une préoccupation constante. Et comme c'est le cas pour plusieurs femmes, la quête de la minceur et la forme a eu une bien fâcheuse conséquence : pendant deux ans, elle a été incapable de devenir enceinte.

En fait, Marie-Josée Blondin n'avait plus de règles. Elle souffrait d'aménorrhée hypothalamique, un problème hormonal qui affecte particulièrement les femmes qui ont un taux de gras trop faible, qui sont très stressées ou qui font trop d'exercice.

...il est toujours préférable de changer d'abord les habitudes de vie des patientes avant de leur injecter des hormones. Car dans la majorité des cas, dit-il, les femmes qui souffrent de troubles alimentaires et qui ont cessé d'avoir leurs menstruations retrouvent leur santé reproductive une fois qu'elles recommencent à s'alimenter normalement.

Hormis les cycles menstruels, d'autres fonctions physiologiques sont affectées par la maigreur excessive, dit-elle. La glande thyroïde, par exemple, tourne au ralenti chez une femme trop maigre, ce qui peut avoir d'importantes conséquences sur le développement neurophysiologique du bébé qu'elle porte.

L'endocrinologue David Morris ajoute que des études ont montré que les bébés nés de mères trop minces avaient tendance à être petits à la naissance puis à devenir obèses et à souffrir de diabète plus tard. " C'est comme si le corps du bébé était programmé pour vivre la famine toute sa vie. " D'où l'importance, pour lui, de voir les femmes trop maigres prendre quelques kilos avant d'entreprendre une grossesse.

Trois femmes se mettent à nu - page 70

Il fallait du cran pour accepter de se dévêtir devant des inconnus, pour se soumettre à leur regard. Elles l'ont fait.

Samedi 26 mai, 5 heures du matin. En face du Musée d'art contemporain de Montréal, une foule a envahi la rue Sainte Catherine. Une évènement artistique se prépare. À l'aide d'un porte-voix, le photographe new-yorkais Spencer Tunick transmet ses directives à quelque 2 500 personnes qui ont accepté de poser nues pour lui.

Mon commentaire

C'est clair et net, l'obsession de la minceur, constitue un problème sérieux et d'une grande ampleur chez les femmes. Ce n'est pas une simple question d'opinion personnelle. Ce n'est pas une simple façon de voir les choses en fonction de ses valeurs et son niveau de connaissances. Les conséquences néfastes sur la santé des femmes associées à l'obsession de la minceur sont une réalité tangible et observable.

Face à cette situation, quelle attitude doivent adopter les revues d'intérêt féminin ? Évidemment, elles doivent choisir une politique éditorial qui aide les femmes à décrocher de leur obsession de la minceur.

Parler de l'obsession de la minceur, comme ici, sans avoir amener des changements pour aller dans le sens de leur dossier, ça manque de cohérence. C'est de ne pas accorder vraiment de l'importance à son message. C'est aussi, indirectement, de dénigrer le vécu des femmes, qui ont pour une majorité d'entre elles de la misère à bien vivre avec leurs rondeurs.

En d'autres mots, la revue Châtelaine considère cette problématique comme mineure ou banale. C'est juste un sujet anecdotique. Une curiosité ou une frivolité dont on parle de temps à autre, comme on parle du problème des nids de poule dans les rues, et qu'on oublie du jour au lendemain.

Dans le numéro qui suit de novembre 2001, Véronique Robert leur obsédée de la minceur de service, nous revient encore avec une imbécillité concernant la perte de poids.
Quoi Manger pour vivre vieux
Santé: Les gènes qui font maigrir

En page on peut lire : "Plus de calcium moins de kilos" "Beaucoup de calcium pourrait aider à maigrir"

Une femme qui a décroché de l'obsession de la minceur, cesse de se préoccuper du nouveau "truck" à la mode qui la fera maigrir. Cette revue a déjà oublié, ce qu'elle a traité dans leur numéro précédent (octobre 2001). La vie continue comme si rien n'était, comme si haïr son corps était naturel pour une femme.

Cette revue devrait faire un examen de conscience afin de prendre la décision de ne plus faire de mode avec des mannequins anorexiques, la décision de refuser de diffuser des publicités qui utilisent des anorexiques, la décision de faire attention de ne pas mettre sur un piédestal la minceur de nos vedettes de la télévision.

Mais, elle ne le fera pas, parce qu'elle est dépendante des revenus de publicité de compagnies qui associent la femme mince androgyne à leur image de marque. Le jour où l'argent arrêtera d'être plus important que le bien-être collectif des femmes, la société aura évolué.

Une autre exemple de l'inconséquence de cette revue

Commentaire fait par José Breton


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Johanne Audy traverse le Canada en vélo
La rondeur dans l'actualité des mois passés

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