Chapitre 5
La physiologie de la sécurité

L'affection est un comportement spontané inscrit dans notre bagage génétique. Le contrôlable et l'incontrôlable se rapportent au fonctionnement du système nerveux. Dans ce chapitre, je vais expliquer ce qu'est l'affection en relation avec le fonctionnement du système nerveux.

Le système nerveux se divise en deux parties: premièrement, le système nerveux central constitué du cerveau et de la moelle épinière (colonne vertébrale); deuxièmement, le système nerveux périphérique qui unit les récepteurs, les muscles et les glandes au système nerveux central. Pour ce qui est du système nerveux périphérique, il fonctionne dans deux directions. Les voies afférentes envoient les informations reçues par les capteurs sensoriels au système nerveux central où elles seront traitées. Ces capteurs correspondent à nos organes des sens: l'ouïe, l'odorat, la vue, l'olfaction, le goût et le toucher ainsi que les autres récepteurs internes du corps pour le contrôle de l'équilibre, de la marche, de la douleur, etc. D'autres récepteurs servent à régulariser le métabolisme de notre corps (comme pour la pression artérielle). L'autre direction est la voie efférente qui envoie les résultats de l'analyse faite par le cerveau (des informations reçues par la voie afférente) aux différentes parties du corps pour que celles-ci réagissent de manière à ce que nous nous protégions en cas de danger et pour s'assurer du bon fonctionnement de notre organisme.

Le système nerveux périphérique voies efférentes est divisé en système nerveux somatique et en système nerveux autonome. Le somatique envoie les instructions du système nerveux central aux muscles squelettiques afin que nous puissions exécuter les mouvements nécessaires pour marcher, courir, s'asseoir, s'habiller, etc. Nos muscles sont donc l'unique partie de notre corps où l'on exerce un contrôle à partir de notre intelligence.

Le système nerveux autonome, quant à lui contrôle tout le reste du fonctionnement de notre corps: sans qu'on en ait conscience, il innerve les muscles lisses comme les intestins, le muscle cardiaque et les glandes produisant les hormones. Le système nerveux autonome est subdivisé en sympathique et en para-sympathique. Partant à des endroits différents sur la moelle épinière, ces deux types d'innervations produisent généralement des effets antagonistes sur les organes ayant besoin d'une double innervation. Ainsi, le coeur est accéléré par le sympathique et ralenti par le parasympathique. Ces deux actions contraires permettent au corps d'exercer un contrôle précis sur le fonctionnement de ses organes. Le rôle du système nerveux autonome est étendu et important pour le contrôle de l'homéostasie du milieu intérieur (stabilisation du métabolisme permettant la survie). Dans l'ensemble, le sympathique aide l'organisme à faire face aux contraintes imposées par l'environnement tandis que le parasympathique est plutôt responsable du fonctionnement courant, comme par exemple la digestion, la défécation et la miction. Le sympathique entre en action en cas d'urgence ou d'émotions fortes comme la peur ou la colère tandis que le parasympathique est actif principalement pendant la récupération et au repos. C'est par l'intermédiaire du système nerveux sympathique que se fait la réponse à une situation appelant la fuite ou le combat. Par exemple, le système sympathique cause l'augmentation du débit du sang aux muscles actifs au cours de l'exercice et soutient la pression artérielle en cas de perte de sang importante; il réduit l'activité du tube digestif, accroît la production d'énergie par le métabolisme et augmente la sudation, touts changements qui assurent l'adéquation de l'utilisation de l'énergie à la situation d'urgence.

L'affection est un des comportements involontaires gérés par le système nerveux périphérique autonome, dont la réaction du corps au froid. Ce système envoie les informations au cerveau sur la température extérieure; une fois les données analysées, le cerveau commande les actions à prendre pour stabiliser la température: la première réaction, c'est la chair de poule, puis le frisson et ensuite la circulation sanguine qui diminue aux extrémités, et tout cela se fait d'une façon involontaire. Mais l'hiver, on peut décider d'aller dehors sans manteau et provoquer cette réaction involontaire du corps. Donc on peut prendre conscience des réactions involontaires de notre corps face à l'environnement et choisir des situations qui provoqueront du bien-être, comme de se mettre à la chaleur quand il fait froid, de manger des aliments qui nous procurent de la satisfaction, etc. C'est la même chose pour l'affection: quand on a pris conscience qu'un contact physique avec une autre personne nous procure du bien-être, on opte pour les comportements qui favorisent les rapprochements avec sa partenaire.

Lorsqu'il y a contact physique entre deux personnes, le système nerveux périphérique autonome modifie le fonctionnement du corps et fait sécréter des hormones dont l'endorphine; celle-ci est une drogue naturelle responsable de l'état d'euphorie et elle influence nos pensées et notre jugement. Cette euphorie est un état semi-comateux: on ne passe pas de la conscience à l'inconscience comme dans les accidents cérébro-vasculaires, mais d'un état de conscience à un autre involontairement ou par réflexe.

La constipation peut avoir une cause psychologique. En effet, la digestion et la mobilité des intestins sont des réflexes contrôlés par le système nerveux périphérique autonome et peuvent être affectés par le système nerveux supérieur. C'est ainsi que l'anxiété et les états dépressifs diminuent la motricité gastrique alors que la peur et l'agressivité l'augmentent. Ces réponses ne sont toutefois pas prévisibles et un état émotionnel apparemment identique peut se manifester de façon opposée chez deux individus. La douleur, quelle qu'en soit son origine et pourvu qu'elle soit suffisamment intense, inhibe les mouvements gastriques. L'inhibition de la motricité est liée à une baisse du tonus parasympathique et à une augmentation de l'activité sympathique.

Les inhibitions bloquant le réflexe d'affection proviennent de nos difficultés psychologiques comme la peur, la honte, etc. Tous nos problèmes sont reliés à notre manque d'estime de soi. L'abandon physique ou émotionnel, caractérisant le comportement affectueux, signifie qu'on lâche prise et qu'on se laisse porter par les réactions réflexes de notre corps lors d'un contact physique. De la même manière que le fait d'être troublé psychologiquement peut causer de la constipation, une non-valorisation de sa partenaire baisse le tonus parasympathique. Les inhibitions psychologiques activent alors le système nerveux sympathique et placent le corps en état d'alerte. Dans ce contexte de dévalorisation, comme il sert en cas de fuite et de combat, un contact physique produira ainsi l'effet contraire de l'affection en augmentant le rythme cardiaque, le tonus musculaire et la sécrétion d'adrénaline. Conséquemment, cet état d'inconfort rend impossible un échange émotionnel. Comme le malaise émotionnel pousse à se centrer sur ses pensées, on se perd dans ses réflexions et ses jugements. Ce comportement de fuite dans notre monde intellectuel est une façade nous isolant émotionnellement de notre partenaire.

Le fait d'avoir des fantasmes au cours d'une relation sexuelle a pour effet d'inhiber notre réflexe affectueux. Comme nous avons des pulsions sexuelles d'intensité relativement constante, à l'image de notre production d'hormones, nous possédons une sexualité de vigilance. Nous sommes donc toujours prêts à une éjaculation: qu'importe le moment de la journée ou la situation, on arrête immédiatement nos activités quelles que soit leur importance si notre partenaire nous invite a une relation sexuelle. Notre physiologie sexuelle est conçue génétiquement de telle manière que la chose la plus urgente, après le fait de se nourrir et de boire, est la sexualité. Comme la femme a une production d'hormones qui varie tout au long du cycle d'ovulation, son intérêt pour le sexe varie aussi. Elle possède une sexualité en sommeil; il lui faut donc un déclencheur pour la réveiller. Ainsi, une femme peut se passer de relations sexuelles sur une longue période sans en souffrir, comme si elle rangeait sa sexualité dans un tiroir. Par contre, l'absence de sexualité cause de l'anxiété chez l'homme. L'homme célibataire doit se masturber pour faire baisser la tension provenant de son besoin impératif de réaliser le coït et d'éjaculer. Les fantasmes érotiques sont alors nécessaires comme stimulation à la masturbation et elle est une activité qui contribue au maintien de notre équilibre psychologique. Mais quand notre partenaire est disponible pour un rapport sexuel, on n'a pas besoin de notre imagination car elle est présente en chair et en os. En désirant réaliser un fantasme, on planifie la relation sexuelle et on prémédite une action.

L'affection n'est pas une chose qui se planifie: elle se fait de manière spontanée. Dès le moment où on planifie les gestes que l'on va poser durant une relation sexuelle, on introduit du contrôle. Par exemple, si on demande à notre partenaire de nous faire une fellation, on devient centré sur ce désir avec notre rationnel et cela nous coupe de nos émotions et de celles de notre partenaire. Dans ces circonstances, nous ne sommes plus en relation avec elle et on l'utilise comme un objet pour se masturber. Par contre, on peut s'imaginer pendant une masturbation qu'une femme nous fait une fellation, mais on ne peut décider de ce qui va se passer au cours d'une relation sexuelle. Si notre partenaire nous fait alors spontanément une fellation, le plaisir érotique se vivra aussi de manière spontanée. Une fellation devient ainsi un geste affectueux plutôt qu'uniquement sexuel.

Lors d'un échange d'affection, une imagerie érotique surgit spontanément dans notre tête, sans conséquence. Étant donné que l'affection constitue un abandon mutuel total, tout ce qui se vit génitalement ou sexuellement se fait dans un respect absolu. En effet, on ne risque pas de faire vivre des émotions désagréables à notre partenaire en l'obligeant à poser certains gestes sexuels car la spontanéité importe avant tout. De même, notre partenaire ne peut nous demander qu'on lui touche telle partie du corps et de telle façon puisque cela deviendrait une chose planifiée qui inhiberait le réflexe de l'affection.

Par contre, avec notre conscience, on peut faire des choses pour se préparer ou pour favoriser l'apparition du comportement spontané de l'affection. À partir du souvenir de nos pensées, de notre état d'esprit et des gestes que l'on a eu au cours d'une relation affectueuse, on peut rationaliser cette expérience pour découvrir que tel geste que nous avons fait a produit tel effet sur notre partenaire et nous a fait vivre telle sorte d'émotion par la suite. La préparation principale est la valorisation de sa partenaire. Il faut continuellement investir du temps dans la relation, discuter, être attentif et attentionné pour activer le système nerveux parasympathique permettant l'apparition d'un comportement d'affection. Avec l'expérience des échanges affectueux qu'on acquiert avec le temps, on apprend à mieux valoriser sa partenaire et à développer un gestuel qui fera surgir des émotions euphorisantes chez notre partenaire.

Le comportement d'affection est inscrit dans notre code génétique comme toutes les choses que nous faisons spontanément comme sourire, rougir, avoir peur et pleurer. L'affection produit une suite de réactions chimiques au niveau du corps pour rétablir l'équilibre nécessaire à son bon fonctionnement. Notre corps est conçu pour recevoir de l'affection et il réagit toujours de la même manière, d'une étreinte à une autre et d'une personne à une autre. Chaque façon de toucher, de se positionner et de serrer sa partenaire produit chez elle des effets différents mais qui la conduiront tous à un état d'euphorie.

Les odeurs corporelles servent comme déclencheur de l'affection. Elles baissent le tonus sympathique et augmentent celui du parasympathique. L'odeur de notre partenaire a pour effet de faciliter le retrait de nos moyens de défense ou de nos façades afin de se laisser aller entièrement aux sensations que son corps nous fera vivre. L'abandon émotif ne peut donc se concrétiser sans la présence des odeurs corporelles: elles modifient notre état de conscience et elles nous permettent de se centrer sur sa partenaire. L'organe des sens le plus important dans l'affection est l'olfaction, suivi par le toucher, la vue, l'ouïe et enfin le goût.

Les facteurs physiques suivants inhibent le comportement affectif: la faim, la soif, le besoin d'aller aux toilettes, les maladies et la fatigue. Quand on a le rhume, la congestion nasale nous fait perdre à la fois nos sensations olfactives et le goût d'avoir une relation affective. La faim place notre corps en situation de survie, augmentant ainsi le tonus du sympathique. Quand le besoin d'uriner ou de déféquer survient, on perd notre capacité de se concentrer sur ce qu'on est en train de faire. Le mal de tête ou toute autre forme de souffrance active le sympathique afin de le combattre à l'aide d'hormones. La fatigue est un avertissement pour notre survie: comme le corps a besoin de récupérer, le sympathique fait sécréter une hormone somnifère diminuant notre niveau d'éveil et de concentration.

Inversement, nous activerons le comportement affectif en augmentant le tonus du parasympathique. Ceci survient si on mange à sa faim, si on dort bien la nuit, si on ne souffre pas de malaise physique, si on n'a pas le rhume ou si on n'a pas envie d'aller aux toilettes. Ainsi, le moment de la journée le plus favorable pour un échange d'affection est le matin, après le déjeuner.

Différents facteurs psychologiques inhibent le comportement affectif: la rumination de pensées dévalorisantes pour soi et pour sa partenaire, les préoccupations extérieures au couple comme le travail et les loisirs, les conflits et le manque de communication dans le couple, les jeux de pouvoir, l'obstination et tout ce qui crée des tensions dans le couple. Par conséquent, ces tensions placent l'homme et la femme sur la défensive en augmentant le tonus du sympathique. Rappelons-nous que le sympathique entre en jeu lorsque nous sommes en danger, soit pour fuir ou pour se défendre d'un agresseur. Pour qu'un échange d'affection ait lieu, il faut que la relation de couple soit sécurisante.

Il est ainsi très sécurisant pour votre partenaire de savoir que vous la trouvez belle, intelligente, fine et douce, que vous considérez la relation de couple comme plus importante que votre travail ou vos loisirs et que vous vous préoccupez beaucoup d'elle. Pour sécuriser sa partenaire, il faut régler rapidement les malentendus, lui faire confiance, l'écouter et négocier les différends qui peuvent se produire. Par exemple, ma partenaire désire que je lui téléphone si je ne peux être présent pour l'heure du repas: en oubliant de l'appeler, cela lui fera vivre un mauvais sentiment qui demeurera si je lui cache les vrais motifs de mon oubli. En ne réglant pas ces différends, il se crée une tension provoquant des disputes dans le couple. Il est très sécurisant pour notre partenaire de savoir que nous ne lui gardons pas rancune quand elle fait des erreurs qui nous choquent.

Plus la relation de couple est sécurisante, plus elle est durable. D'ailleurs, la confiance mutuelle dans le couple provient d'un sentiment de sécurité. Cette confiance empêche qu'il y ait rupture au moindre conflit: dans une situation de surmenage par exemple, où l'on perd patience en se choquant parce qu'elle a oublié de faire une chose importante ou brisé quelque chose de précieux, cela ne signifie pas automatiquement la fin de la relation. Connaissant le niveau d'attachement qui nous unit, on ne se sentira pas coupable et elle ne nous tiendra pas rancune. Notre partenaire nous fera confiance si elle sait à quoi s'attendre de nous à tout moment. La constance, dans nos humeurs, dans les soins qu'on lui donne et dans le temps qu'on lui accorde, crée un climat de confiance. Notre grande disponibilité pour combler les besoins de notre partenaire contribue à la sécuriser.

Une différence biologique fait que l'homme doit faire plus d'efforts que la femme pour être sécurisant. Ainsi, le corps de la femme émet des messages de douceur tandis que celui de l'homme émet des messages d'agressivité. Par notre force musculaire, nous sommes potentiellement un danger pour notre partenaire. Or nous savons tous que la violence conjugale est le fruit d'hommes psychologiquement perturbés. Très peu d'hommes se sentent physiquement menacés par des femmes. En fait, elles n'ont pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour qu'on se sente en sécurité en leur présence: simplement en regardant leur corps, on se sent bien. Mais il y a un climat de méfiance continuelle entre les hommes parce qu'ils sont des adversaires et des ennemis potentiels. Or la femme n'est pas une adversaire de l'homme biologiquement.

Faire des compliments à sa partenaire constitue un moyen de la sécuriser. Par son contenu émotionnel, un compliment est toujours une affirmation authentique et vraie alors que la flatterie constitue une manipulation malsaine afin d'obtenir quelque chose sans rien donner en échange (par exemple, en disant à notre partenaire qu'elle est belle uniquement afin d'obtenir des faveurs sexuelles). Complimenter sa partenaire ne se prémédite pas, c'est une réaction émotive et spontanée de notre part. Un compliment naît à partir de la sensation de bien-être que la présence de notre partenaire nous procure. Notre sincérité contribue grandement à la sécuriser car elle détecte notre authenticité à partir de nos émotions. Avec un climat sécurisant, on augmente notre tonus parasympathique et celui de notre partenaire, favorisant ainsi un échange d'affection.

Comme la raison d'être d'un couple est la présence d'affection, l'objectif est donc de tout faire pour maintenir une relation sécurisante afin que cela soit possible. Ainsi, il faut éviter de provoquer des situations de gêne, d'inconfort et de tension. Dans la relation, notre préoccupation consiste uniquement à s'assurer du bien-être de sa partenaire. Étant donné que l'affection est spontanée, c'est un comportement qui ne s'apprend pas; mais on peut apprendre à reconnaître les comportements qui inhibent l'abandon physique. L'objectif de mon livre est donc de vous donner des moyens afin de favoriser l'apparition d'un comportement affectueux. Quand on devient à l'aise avec sa spontanéité, on peut décider à tout moment d'avoir un échange d'affection même si on ne peut en prévoir le déroulement. Plus il nous est facile de s'abandonner, plus la fréquence de nos échanges d'affection augmente.

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