Le culte de la minceur à la télé québécoise
Journal de Québec jeudi 5 avril, 2007 p.68

Tout comme aux États-Unis, la télévision québécoise n'échappe pas à la dictature de la minceur. Un important pourcentage de femmes affiche un poids sous la normale. Une tendance que remarque et dénonce Sophie Thibault.

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Sujet: Le contrôle de la perte de contrôle

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Tout comme aux États-Unis, la télévision québécoise n'échappe pas à la dictature de la minceur. Un important pourcentage de femmes affiche un poids sous la normale. Une tendance que remarque et dénonce Sophie Thibault.

«En information, les femmes de taille plus forte doivent travailler deux fois plus fort pour faire leur place», affirme Sophie Thibault, lectrice de nouvelles vedette du réseau TVA.

«Ce sont des hommes qui engagent, c'est sûr qu'ils vont rechercher l'exception, les jeunes journalistes minces blondes aux yeux bleus», dit-elle.

Aux États-Unis, les femmes rondes sont clairement sous-représentées au petit écran.

Au Canada, les chiffres parlent d'eux-mêmes: 75% des femmes à l'écran sont sous leur poids santé, tandis qu'une actrice sur vingt est de taille forte, selon le Réseau Éducation-Médias. Le Québec ne tient pas de statistiques sur le poids des actrices au petit écran.

Tous les soirs, Sophie Thibault lit les nouvelles à TVA. Derrière le stress du direct se cache une autre pression, celle de bien paraître.

«C'est sûr que si je n'avais pas correspondu à certains critères, je ne serais peut-être pas là aujourd'hui», admet la tête d'affiche de TVA, étonnamment ouverte sur la question.

«En information, les femmes de taille plus forte doivent travailler deux fois plus fort pour faire leur place», affirme Sophie Thibault, lectrice de nouvelles vedette du réseau TVA.

Céline Galipeau

Céline Galipeau, animatrice du Téléjournal du week-end à Radio-Canada, l'accorde: ce qu'on voit à la télévision ne représente pas la population.

«Probablement que si je n'avais pas été présentable, je ne ferais pas une carrière à la télévision, admet-elle. Certainement, la pression est là, mais je ne la vis pas encore. Mon cheminement s'est fait sur le terrain, où la pression est moins grande», ajoute l'animatrice.

Sophie Thibault admet quant à elle être un produit de marketing. «Je ne suis pas libre de mon look, j'en suis consciente», dit-elle au bout du fil.

Pendant longtemps, Sophie Thibault avoue avoir fait le yo-yo côté poids. «Il y a des moments où j'avais 20 livres de plus», admet-elle.

Régimes

Il y a dix ans, elle a donc enchaîné les régimes, Montignac et compagnie, pour tenter de se conformer aux standards de minceur imposés par la télévision.

«La pression est inconsciente, on se la met soi-même, mais avec les années, j'ai relaxé», avoue-t-elle.

Elle n'échappe toutefois pas aux remarques. «Quand on prend du poids, on se le fait dire par les collègues», admet-elle.

Il y a aussi les commentaires de spectateurs comme: «Je pensais que vous étiez plus grosse que ça!» raconte-t-elle ouvertement.

«J'aimerais m'en foutre, mais je ne peux pas. Des fois, j'envie mes collègues de la radio et de l'écrit...» dit-elle.

Et que pense-t-elle de Katie Couric, animatrice américaine dont on a aminci la silhouette sur les photos de promotion?

«Je n'aurais jamais accepté ça. D'ailleurs, les photos retouchées ça me fatigue beaucoup», dit-elle.

Loin de la réalité

Les études sur la représentation des femmes rondes à la télévision sont rares. Aux États-Unis, une équipe de chercheurs de Boston s'est penchée sur la question.

Les émissions qui font fureur aux États-Unis mettent en vedette des femmes au physique de mannequin. C'est le cas de Desperate Housewives.

Les femmes à la télévision qualifiées de «dangereusement sous leur poids santé» représentent 31% des personnages. Presque le tiers des rôles. À l'opposé, dans la population, ces femmes représentent moins de 5%.

À l'autre bout du spectre se trouvent les actrices classées dans la catégorie obèse: elles représentent 13% des rôles, alors que dans la population américaine elles sont 51%.

«Et ça n'a pas beaucoup changé depuis cinq ans», indique Ken Lachlan, coauteur de cette étude réalisée en 2004 par le Boston College et titulaire d'un doctorat de l'Université du Michigan. Selon lui, la représentation de la femme à l'écran n'est clairement pas représentative de la population américaine. «C'est évident que ça met de la pression sur les spectateurs de se conformer à un certain standard.»

La pression joue sur les actrices aussi. Hilary Duff, qui a perdu beaucoup de poids, dénonçait récemment la pression des médias qui pèse sur elle pour qu'elle reste mince.

Peu d'émissions avec des rondes en vedette

«Dans Virginie, j'ai des filles bien en chair dans des rôles de premier plan, aussi séductrice que les minces», affirme Fabienne Larouche.

Virgine et le petit monde de Laura Cadieux, de Denise Filiatrault, sont deux des seules émissions qui mettent en vedette des femmes rondes. Parmi elles, Mireille Thibault et Sonia Vachon.

À ses débuts, il y a 30 ans, Mireille Thibault était une des seules comédiennes de taille forte. Depuis, quelques-unes se sont ajoutées, selon l'organismes Corps-Accord.

«La majorité des actrices sont sous leur poids santé» remarque Mireille Thibault.

«Recherche des femmes belles et bien dans leur peau, minces...»; c'est le genre de phrases décrivant le physique recherché pour une audition de pub, d'émission de télévision ou de film qu'elle lit fréquemment. La plupart du temps, la minceur est de rigueur.

Discrimination

«Si je pouvais vous les envoyer, je le ferais, vous verriez. D'entrée de jeu, on est barrées de ces auditions-là. c'est de la discrimination. C'est comme si on disait: homosexuel s'abstenir, personne de couleur s'abstenir ou ethnies bienvenues. C'est nettement discriminatoire», s'indigne-t-elle.

«Moi, dans la vie, j'ai autre chose à dire que parler de mon poids; j'aimerais parler de mon travail d'actrice, mais la place des grosses revient toujours, le reste est évacué», dit Mireille Thibault. C'est sans doute pour cette raison que Sonia Vachon préfère ne plus aborder ce dossier.

Pour les appuyer dans leur croisade, ces femmes peuvent compter sur des organismes comme Corps-Accord. Il y a aussi ce groupe un peu marginal, qui à chaque gala artis se tient en bordure du tapis rouge, brandissant leurs pancartes où on peut lire : «Pour plus de femmes rondes à la télévision».

Les médias jouent un rôle dans les cas d'anorexie

«Il y a des filles à la télévision à l'on demande de perdre du poids malgré des IMC de 20 ou 21», assure Isabelle Huot, nutritionniste et chroniqueuses à TVA. 

Selon elle, depuis cinq ans, l'obsession prend de l'ampleur.

Elles côtoie plusieurs comédiennes et animatrices du petit écran qui lui demandent des conseils pour perdre du poids, même si, visiblement, elles n'en ont pas besoin.

Elle attribue la responsabilité à certaine producteurs et l'inévitable compétition féminines.

Sophie Grégoire, animatrice et porte parole du BACA (Clinique des troubles alimentaires), se désole de la standardisation des modèles féminins à l'écran. «On ne verra pas une grosse fille animer Flash, ne nous mentons pas» déplore-t-elle.

Selon elle, les répercussions sur le public ne sont pas sans heurts. «Il n'y a pas une fille qui a souffert de régimes ou d'anorexie qui ne m'a pas avoué que les médias ont joué un rôle», ajout-t-elle.

Mon commentaire

Il est intéressant qu'un journal soulève cette question. Je crois que j'y suis pour quelque chose. Car je manifeste, lors des galas pour la télévision (Gémeaux, Artis), depuis le gala Métro star en 1997. Je ne fais rien pour pour rien. Tous les actions que j'ai faites, aussi seul puis-je les avoir faites, a déplacé de l'énergie. Un jour, j'espère que les femmes et les hommes, qui les aiment, décideront de faire quelque chose pour contrer cette situation inacceptable.

Demander, qu'il y ait plus de femmes rondes à la télévision, constitue une demande parfaitement légitime. Car, cela favoriserait une bonne santé mentale chez les femmes. Théorique, un jour l'existence de cette discrimination morphologique devrait être reconnu comme telle. Comme la télévision au Québec n'existe pas sans le soutien financé de l'état. Pour obtenir des subventions, les producteurs devront inclure des femmes rondes dans leurs productions.

Cependant en pratique, les différentes maisons de productions constituent un groupe de pression. Puis, l'état au Québec n'agit pas par lui-même. Il agit seulement sous la pression des groupes d'influence. Évidemment, ce n'est pas les producteurs de télévision qui vont faire des représentations pour s'auto déclarer fautif. Ils n'avoueront pas être incapable de ne pas faire de la discrimination anti-rondeurs féminines. Ils ne demanderont pas au gouvernement qu'on les force à arrêter de faire quelque chose qu'ils ne veulent pas arrêter de faire.

De toute évidence, il ne faut pas attendre après l'état et encore moins après les producteurs de télévision pour que ça change.

Pour changer les règles du jeu, il faut se fier seulement à nous. Nous devons devenir autonomes et indépendants. Nous devons cesser d'attendre après les autres qu'ils changent leur vison des choses. Nous devons imposer notre vision des choses. D'où la raison du pourquoi, j'ai lancé la fondation belles rondeurs l'an passé.

La technologie est accessible à tout le monde. Rien ne nous empêche de nous unir ensemble pour réaliser des émissions de télévision et les vendre aux chaînes de télévision ou de les diffuser sur internet. Il faut arrêter d'être victime et de jouer à la victime. Il faut passer à l'action.

Commentaire fait par José Breton

Complément d'informations:

L'histoire

Manifestion à l'occasion du Gala Artist 2007


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