Sonia Vachon
se confie: Sujet:Aux yeux de qui? On y lire: La belle et sympathique Sonia Vachon est depuis quelques années l'un de nos chouchous du show-business Québécois, et pourtant... au cours de notre rencontre, nous avons abordé un sujet qui lui tient à coeur: la difficulté de s'accepter soi-même et d'accepter les différences. Comme bien des mamans, la comédienne partage sa vie entre la maison et le boulot. Après une pause de quelque mois, pour la naissance de sa petite Joséphine. Sonia est de retour au travail. Nous l'avons rencontrée sur le plateau du premier film réalisé par Dany Laferrière, Comment conquérir l'Amérique en une nuit?(sortie 14 décembre 2004) Sonia nous parle de son personnage. «Andrée Tremblay est amoureuse de son voisin depuis 20 ans. Tous les deux se fréquentent, mais leur union n'est pas officielle. C'est d'ailleurs le grand drame de cette fille. Elle aime son Fanfan (joué par Maka Kotto), mais lui, il ne veut pas s'impliquer du tout. Pour lui, il ne sont que deux amis. Pour elle, ce n'est pas de l'amitié. Elle aimerait lui dire qu'elle l'aime, mais son Fanfan ne veut pas. Plus l'histoire avance, plus on découvre qu'Andrée n'est pas aussi forte qu'elle le laisse croire.» C'est en discutant de son personnage qui désire se faire aimer d'un homme qui lui, ne veut pas s'engager, que la conversation a bifurqué dur un sujet qui touche la réalité de bien des femmes du Québec: le désir d'être aimée et de répondre aux critères de l'idéal féminin. Ou, si vous voulez, l'acharnement des femmes à vouloir ressembler au fantasme de la femme mince et jolie. «Mon personnage se demande souvent ce qu'elle fait ici, à pourrir ici. Lors des scènes qui se passent durant le souper, il se dit des choses sur les femmes qui prouvent que les Haïtiens aiment les rondes.» Pas facile d'assumer ses rondeurs! Personnellement, la comédienne avoue avoir déjà songé à quitter son Québec natal pour une contrée où ses rondeurs seraient appréciées socialement. Je lui ai mentionné que, pourtant, plusieurs la considèrent comme un modèle de beauté et qu'elle figure constamment dans les sondages sur la liste des plus belles femmes du Québec. dans les magazines, lorsqu'on parle de femmes rondes et de beauté, le nom de Sonia Vachon est souvent mentionné. Touchée, Sonia devient soudainement très sérieuse: «Quand je lis ça, ça me fait rire. Qu'est-ce qui est beau chez moi? Sérieusement, c'est mon visage. Oui, je m'assume. Mais il y a en a d'autres où je ne m'assume pas du tout. Il y a des jours où je suis chez moi et j'essaie des vêtements parce je dois aller faire des courses ou l'épicerie. Je peux essayer plusieurs vêtements, 10 ensembles, s'il le faut, et il n'y a rien qui me fait. Eh bien, ça ça m'écœure! «Parfois, je ne me trouve vraiment pas belle ; je me trouve laide et grosse. et c'est à ce moment que je pense à ce que tu viens de me dire. Je me dis que, pour plusieurs femmes, je suis belle. Je dois me le répéter. Je me dis en même temps que je ne dois pas jouer à la victime... Mais on a beau être fort dans la vie, à un moment donné, quand on entend tous les jours à la télévision: «Aimez-vous! Perdez du poids!», moi, ça me dit que je ne n'aime pas parce que j'ai du poids à perdre. Ce sont des phrases qui me tuent ça m'atteint.» La comédienne se demande comment une femme peut arriver à s'aimer si elle se fait dire tous les jours de maigrir, ou si elle ne cesse de voir des filles dans les magazines ou les publicités télévisés qui n'ont pas une once à perdre. « Je me dis alors que mon cas est grave, que je suis le dernier des mammouths. J'aimerais qu'on nous regarde chacune comme une femme, pas comme l'image qu'il faudrait être. Dire qu'à plusieurs endroits de cette planète, plus tu en as, mieux c'est! Il y en a plus à aimer: les hommes désirent ces rondeurs!» Les femmes noires ont cette fierté Cette maman de deux enfants, qui est aussi une épouse comblée - doit-on le souligner - a aussi précisé que, en ce qui concerne les grandes tailles, l'industrie de la mode ne favorise pas l'acceptation de soi. «J'ai des vêtements que j'ai achetés il y a six ou sept ans, et ils me font encore. Je n'ai pas changé de poids, et pourtant... à l'époque, je portais du 20 ou 22 ans et maintenant j'habille du 24 ou 26 ans. donc, même les boutiques spécialisées suivent les courants de la mode : les vêtements sont faits plus petits. Je trouve les femmes noires très séduisantes et très belles. J'aimerais m'habiller comme elles, mais j'en suis incapable. Ça me gêne de porter des trucs moulants, Je vais me sentir ridicule et grosse. Il y a une fierté à avoir, et je trouve que les femmes noires ont cette fierté. Ça transperce; je pense que ça doit ancestral!» La liberté d'être différente Sonia me raconte qu'un jour elle s'est sentie découragée après avoir discuté avec une vendeuse qu'elle trouvait magnifique. Cette femme lui avait confié qu'elle retournait dans son pays parce qu'elle se sentait moins belle ici. Et ce, malgré la violence et pauvreté qui l'attendaient là-bas. «Elle était trop malheureuse ici. Elle m'a raconté que, dans son pays, elle était traitée comme une reine par les hommes. Et qu'ici, au contraire, les hommes la regardaient avec dédain. J'étais estomaquée parce que cette fille avait vécu un énorme choc culturel. Quand tu as été désirée toute ta vie et que tu te retrouves à penser que tu répugnes aux hommes... J'étais triste quand j'ai entendu cela. Je pense que nous vivons dans une société vraiment malade. C'est comme si nous n'avions plus de liberté d'être différents les uns des autres. Comme s'il fallait tous avoir le même poids santé! Je trouve ça malheureux. Pour les gens, c'est automatique, si tu es grosse, tu n'es pas en santé. Pourtant, si je pense aux filles maigres ou très minces, je suis plus en santé qu'elles. On parle moins de la minceur que de l'obésité parce que la minceur est valorisée. Quand on est gros, les gens croient qu'on se laisse aller. Ce qui est triste, c'est que les filles minces et belles commencent elles aussi à être complexées parce qu'elles croient qu'elle devraient être maigres», a conclu Sonia Vachon. Nous aurions pu continuer cette conversation pendant des heures, mais la belle devait se remettre au boulot, vêtue de la robe moulante que porte son personnage. «Dire qu'à plusieurs endroits de cette planète les hommes désirent ces rondeurs!» Mon commentaire La fragilité de l'image de soi en rapport avec son entourage social, constitue un centre de gravité. Un centre où gravitent les vulnérabilités émotives. La relation avec le corps constitue une fragilité émotive pour toutes les femmes et depuis toujours. En effet, les femmes viennent au monde avec cette fragilité. Elles vivent avec une incertitude, un doute en elles sur leur capacité de plaire. L'être humain entre en relation avec les autres en premier lieu avec son corps. Plaire ou déplaire, signifie au fond des choses, aimable ou détestable. Socialement parlant, nous recherchons tous l'approbation des autres. Nous désirons tous être accueillis, compris et reconnus par les personnes qui nous entourent. Nous désirons tous être aimés. L'apparence physique, pour les femmes, est loin d'être quelque chose de superficielle. Ce n'est pas la personnalité qui compte, au contraire du dicton. Se sentir belle à l'intérieur ne suffit pas. Car, c'est avec, à travers, ou par l'entremise de son corps que la femme reçoit et émet, les messages d'amour. Cette fragilité féminine peut-être fragilisée. Fragilisée par un contexte social, fragilisée par l'incompréhension, fragilisée par les préjugés, fragilisée par le jugement et fragilisée par l'exclusion Par conséquent, à la moindre rondeur, les femmes deviennent vulnérables, plus sujettes à se faire avoir par les vendeurs de diètes miracles et compagnie. Sonia exprime bien le sentiment que vivent les femmes rondes. Nous sommes dans une société qui est insensible au vécu de la majorité des femmes. Pire encore, l'immense importance que les médias accordent à la lutte anti-obésité, se rajoute au malheur qu'elles ont de vivre dans une culture qui a une obsession de la minceur. Par amour et par empathie pour les femmes, la société se doit de prendre conscience de l'existence de cette fragilité féminine, afin de faire attention ou d'éviter de ne pas fragiliser cette fragilité. Ce qui revient à dire de valoriser la beauté des rondeurs féminines au lieu de la minceur. Commentaire fait par José Breton
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