Chapitre 1 |
L'affection
est un besoin relié à une émotion de sécurité issue
d'un contact physique. Elle est la première expérience
émotionnelle que l'on vit indépendamment de notre
mère. Dans son ventre, nous ne faisions qu'un: toutes
les émotions qu'elle vivait, nous les vivions aussi et
vice-versa. Nous étions alors en parfaite sécurité dans une chaleur constante, nourris de manière continuelle, et dans l'apesanteur par le fait que nous flottions dans le liquide amniotique. Naître, c'est donc quitter un milieu de vie idéal alors que venir au monde constitue le premier stress que nous ayons à vivre. Le poupon subit un choc: il doit aller chercher son air, la température extérieure est froide, il découvre son poids et il n'est plus nourri directement par sa mère. Afin de surmonter ce stress énorme, la relation affective entre en jeu pour permettre au poupon de s'adapter à son nouveau milieu de vie. Couché sur sa mère, il reprend alors contact avec la chaleur, à la température auquelle il était habitué, et il réécoute les bruits du corps de sa mère, ce qui le sécurise face à son nouvel environnement. La première émotion vécue en est une d'insécurité face à notre survie: si notre mère n'avait pas pris soin de nous, notre vie aurait été très brève. La deuxième émotion, quant à elle, en est une de sécurité: par le contact physique avec sa mère, le poupon se sent rassuré face à l'hostilité de l'environnement. L'émotion d'insécurité ressentie au moment de la naissance produit une tension énorme dans l'organisme. Le coeur bat plus vite, monopolisant ainsi le sang, ce qui a pour effet de ralentir le fonctionnement des autres organes. Cette tension baisse complètement au moment où le nouveau-né prend contact avec la chaleur, la douceur de la peau, les bruits, le mouvement de la respiration, les battements du coeur et l'odeur du corps de sa mère. Cet abaissement de la tension et du rythme cardiaque stabilise le fonctionnement de son organisme. Le corps sécrète alors une hormone qui induit chez le poupon un état de bien-être euphorisant. Cet état euphorique représente l'effet émotionnel de l'affection, effet que nous cherchons à revivre continuellement tout au long de notre vie. Car l'expérience de l'affection, comme toutes les autres expériences émotionnelles, comporte un cycle avec deux évènements. Le premier évènement est une instabilité physiologique et le deuxième, un rétablissement de la stabilité du corps. Un type d'émotion s'associe toujours à un autre qui lui est antagoniste. Par définition, les émotions sont des sensations provenant des réactions de notre corps face aux évènements de la vie. Un évènement qui déséquilibre l'organisme produit des émotions désagréables parce que cela place notre corps en danger. Chaque émotion désagréable fait apparaître un besoin, qui se définit, en fait, comme une volonté spontanée de rétablir l'équilibre physiologique. Cette volonté spontanée s'explique par le fait que nous naissons avec la pulsion de vivre (nous voulons vivre à tout prix). Il faut cependant établir une distinction entre un besoin et un désir: le besoin se rapporte à la physiologie du corps alors que le désir est une création de notre imagination qui ne sous-tend pas nécessairement un besoin physiologique. Ressentir un besoin est un moment de souffrance, mais personne n'y échappe car elle fait partie intégrante de la vie. Le deuxième évènement du cycle est une étape où l'on comble le besoin de notre corps: La satisfaction d'un besoin restabilise l'organisme et produit des émotions agréables. Une phase de souffrance précède toujours une de bien-être, elles sont indissociables l'une de l'autre. D'autre part, le moment de la naissance laisse une marque indélébile. Le premier contact extérieur de l'enfant avec sa mère tient de l'affection à sa plus simple expression. Ce moment émotionnellement très intense lie l'enfant à sa mère pour la vie. L'attachement de l'enfant à sa mère tient donc uniquement dans l'affection qu'elle lui procure. Tous les soins qu'elle lui prodigue sont autant d'occasions d'affection (l'allaitement, par exemple, est un moment intense d'affection). Le poupon ne vit que pour les moments d'euphorie que sa mère lui fait vivre. Le contact physique procure du bien-être parce qu'il déclenche la sécrétion d'une hormone par réflexe. Le corps de l'adulte revit la même chose que lorsqu'il était tout petit à chaque contact physique avec un autre corps. L'affection est ainsi une réaction spontanée du corps qui produit de bonnes émotions. Ce moment d'euphorie constitue un état régressionnel: le corps régresse dans un moment d'intimité physique jusqu'à redevenir bébé naissant. Ce phénomène utilise la mémoire du corps. C'est pour cela qu'une fois adulte, pour vivre les émotions associées à l'affection, il faut intégrer les sentiments de faiblesse et de fragilité. En d'autres mots, se sentir sans défense comme au moment de notre naissance. Cette abandon émotionnel survient si on possède une bonne santé mentale ou une stabilité émotive. Comme les émotions correspondent aux réactions du corps aux évènements qui surviennent, l'abandon physique et l'abandon émotionnel constituent une seule et même chose. Quant aux hormones responsables du bien-être, elles régularisent le fonctionnement de notre organisme lorsqu'on reçoit de l'affection. La circulation sanguine s'améliore et le foie fonctionne à son plein potentiel. La production de neuro-transmetteurs augmente: c'est comme si on prenait un médicament antidépresseur. Il y a abaissement du rythme cardiaque et du métabolisme de base (le corps a besoin de moins de calories pour vivre). Les yeux se reposent et les pupilles se dilatent, la respiration devient lente et profonde, la tension chute dans les muscles ou ailleurs, la digestion se fait mieux et le cerveau fonctionne à son meilleur. Je compare cela à un traitement thérapeutique pour le corps: après une séance d'affection, le corps est purifié et réénergisé par un nettoyage intérieur qui le garde en santé en optimisant le bon fonctionnement de ses organes. Durant un échange d'affection, l'organisme fonctionne dans des conditions idéales. Il y a optimalisation du fonctionnement de tous nos organes. Notre système immunitaire est renforci, nous rendant moins sensibles aux maladies. Et finalement, l'affection nous rend plus résistants aux stress de la vie. Psychologiquement, l'affection constitue une source de motivation. Quand on vit une relation affective avec une personne, on a moins de moments dépressifs: on est plus efficace intellectuellement et plus performant au travail ou dans l'exécution de nos tâches en général. L'affection élimine l'anxiété accumulée avec le temps. Dans la définition de l'affection, il y a le sens de «prendre soin de». Le bébé reçoit de l'affection de sa mère lorsqu'elle le nourrit, lui fait sa toilette, lui change sa couche, etc. Le bébé a besoin d'affection parce qu'il est complètement dépendant de sa mère pour sa survie et son bien-être. En grandissant, nous devenons de moins en moins fragiles. Les adultes, malgré leur indépendance face aux soins de leur corps, se doivent de demeurer en contact avec le sentiment de vulnérabilité apparu au moment de leur naissance, afin de profiter des bienfaits d'un échange d'affection. Pour laisser vivre ce sentiment qui nous habite, il faut une bonne estime de soi. Afficher sa vulnérabilité devant l'autre nécessite une grande force psychologique. L'estime de soi s'actualise par la capacité d'être bien avec nos émotions de fragilité. Même si nous sommes des adultes responsables et autonomes, nous demeurons des êtres fragiles intérieurement. C'est à partir de notre sentiment de vulnérabilité originel que nous ressentons le besoin d'avoir des contacts sociaux. La solitude et l'isolement sont des situations qui nous font souffrir. La vie est un cadeau fragile: on peut mourir subitement d'une maladie ou d'un accident. Nos émotions de fragilité sont associées à la mélancolie, au romantisme, au désir amoureux et à la tristesse. Nous devons aussi protéger notre sentiment de vulnérabilité par des façades, particulièrement devant ceux qui peuvent profiter de notre fragilité pour nous manipuler émotivement. Nous sommes des adultes par notre capacité de camoufler nos émotions, mais par notre vulnérabilité, nous sommes fragiles et sans défenses comme un bébé. Nous demeurons en fait des poupons au plus profond de notre être. Un bébé reçoit de l'affection de sa mère mais il n'est pas en mesure d'en donner: il est comme une éponge absorbant toutes les émotions de celle-ci. Il n'y a pas d'échange d'affection parce que l'enfant n'est pas là pour combler les besoins de sa mère. Dans l'échange d'affection entre deux adultes, ceux-ci sont simultanément émetteur et capteur émotionnels. Le besoin d'affection, comme le reste de nos comportements, suit un objectif inconscient et inavoué de ne satisfaire que soi. C'est ce que j'appelle de l'égoïsme sain. La mère prend soin affectueusement de son poupon parce qu'elle en retire un bénéfice émotionnel très grand. C'est une activité dont son corps a besoin pour atteindre le bien-être et vivre de grandes joies. Le bébé profite de l'égoïsme sain de sa mère qui lui donne de l'affection nécessaire à sa santé physique et psychologique. L'enfant, en devenant graduellement autonome, développe la capacité d'établir un contact affectif relationnel. Il peut réagir comme émetteur et capteur émotionnels. Pour donner de l'affection à sa partenaire, il faut l'aimer et se sentir bien en sa présence. Aimer, c'est s'abandonner au bien-être que nous procure la présence de l'autre. Ce bien-être est comme une bouffée d'air frais. Mais pour recevoir émotionnellement notre partenaire, il faut développer l'amour envers elle. L'amour provient de notre intelligence et consiste à considérer sa partenaire comme la personne la plus importante dans sa vie et à la valoriser ainsi. Pour donner de l'affection à sa partenaire, il faut la percevoir comme la personne la plus belle, la plus fine, la plus intelligente et s'ouvrir afin de recevoir les émotions de vulnérabilité de celle-ci. Pour recevoir de l'affection, il faut être en contact avec son sentiment de fragilité. Les pulsions sexuelles diffèrent du besoin d'affection et elles sont régies par nos hormones. Elles déclenchent notre attirance et notre intérêt pour l'autre sexe. Les pulsions sexuelles de la femme partent du désir d'avoir des enfants; elle dirige le comportement sexuel et séduit l'homme de son choix. Par ses hormones, l'homme manifeste un intérêt constant pour le sexe opposé. Aussitôt qu'il est choisi par une femme, il se jette carrément dessus car c'est la plus belle faveur que la vie puisse lui faire. Les pulsions sexuelles de l'homme partent d'un besoin de s'accoupler pour vivre le plaisir de l'éjaculation alors que la femme désire inconsciemment s'accoupler afin de vivre les bienfaits d'un accouchement. Dans le comportement de reproduction, le profit pour le corps de l'homme survient au moment de la copulation alors qu'il arrive neuf mois plus tard pour la femme, suite à l'accouchement. C'est pourquoi les femmes et les hommes ne se rejoignent pas au point de vue des pulsions sexuelles. C'est plutôt avec l'échange d'affection que l'homme et la femme peuvent être comblés au même moment. Comme les pulsions sexuelles n'apparaissent qu'à l'adolescence, le besoin d'affection ne se confond pas avec celles-ci chez l'enfant. À cet âge l'affection comble le besoin de sécurité dans sa plus simple expression. C'est pourquoi l'affection que l'on donne à nos enfants n'a pas de connotations sexuelles. Au moindre contact physique avec une personne, des émotions reliées à l'affection surgissent par réflexe. Mais le réflexe de l'affection peut être brouillé par un état émotif instable. Or la sexualité de la femme diffère de celle de l'homme. Si l'homme est inconfortable émotivement, il peut outrepasser son besoin d'affection pour aller directement au but de sa pulsion sexuelle. Il ne désirera que copuler pour éjaculer. Sa pulsion sexuelle monopolise son activité émotionnelle alors que pour la femme, comme le profit de sa pulsion sexuelle n'arrive pas au moment de la relation sexuelle, s'il n'y a pas un échange d'affection, elle n'en retirera aucun plaisir. Femmes et hommes vivent le même type d'émotions lors d'un échange d'affection. Comme le corps de la femme n'obtient pas son profit durant l'accouplement mais longtemps après, elle ne vit pas une émotion d'urgence comme l'homme. En effet la présence d'une tension nécessaire au maintien du pénis en érection place l'homme dans un état d'urgence (cette érection permet de stimuler le gland afin de provoquer l'éjaculation). Cette émotion amène l'homme à désirer en finir le plus vite possible avec les caresses afin d'éjaculer, car cela libère de la tension et toute baisse de tension procure du bien-être. La baisse de tension associée à l'éjaculation fait secréter une hormone provoquant un état de bien-être mais une tension implique la présence d'une souffrance. Être en érection nous fait donc souffrir. Le corps, pour combattre la souffrance, secrète une hormone de sorte que nous ressentons un plaisir à être en érection. La sensation de bien-être et de détente après l'éjaculation provient de l'accumulation dans le sang de cette hormone pendant le temps que dure l'érection. La dissipation soudaine de la souffrance entraîne un surplus d'hormones calmantes. Cette quantité en excès d'hormones euphorisantes a pour effet de nous calmer. C'est ce qui explique que l'on a tendance à s'endormir rapidement après une relation sexuelle. L'éjaculation procure à l'homme une détente musculaire et un état euphorique. Elle correspond à l'atteinte de l'objectif de sa pulsion sexuelle. Chaque pulsion sexuelle comblée est suivie d'un moment de bien-être. L'atteinte de l'objectif de la pulsion sexuelle de la femme correspond à l'accouchement. Aussitôt que la femme délivre son bébé et le tient sur son ventre, elle vit un grand moment de bien-être. Durant l'accouchement la femme souffre beaucoup. Son corps secrète une grande quantité d'hormones pour atténuer cette souffrance. Comme pour l'éjaculation, les hormones calmantes, excédentaires dans le sang après que l'accouchement soit terminé, rendent la femme euphorique. Cet état euphorique s'additionne à la joie de voir son bébé: c'est un moment de bonheur intense pour la femme. La femme s'abandonne plus facilement aux émotions d'affection parce qu'elle ne vit pas une émotion d'urgence comme l'homme. Comme la pulsion sexuelle de la femme n'est pas comblée pendant la relation sexuelle, le seul gain qu'elle en retire est le bien-être que procurent les émotions relatives à un échange d'affection. La seule réponse sexuelle directe de la femme est la lubrification du vagin. Le comportement sexuel de l'homme est donc sous le contrôle hormonal de la femme. Le corps de la femme envoûte l'homme pour que celui-ci lui fasse vivre des émotions bien précises. Si elle perd cette forme de contrôle spontané, son vagin ne se lubrifiera pas: «on n'entre pas chez quelqu'un si on n'est pas invité». La sexualité féminine se vit donc dans un sentiment d'accueil. Cela explique pourquoi c'est la femme qui choisit le partenaire et non l'inverse: la femme joue le rôle de l'hôte et l'homme de l'invité. L'homme qui pénètre une femme sans y être invité commet un viol. Le plus beau cadeau que la vie puisse faire à l'homme, c'est d'être choisi et accueilli par une femme. En se laissant aller aux émotions de la femme, on remercie la mère nature et la vie pour cette faveur. Cet abandon permet à l'homme d'oublier son émotion d'urgence lorsqu'il est en érection, pour profiter des émotions de bien-être que procure l'intimité physique avec sa partenaire. L'excitation du clitoris de la femme ne la fait pas souffrir comme peut le faire l'érection de l'homme. Elle ne vit aucune souffrance durant une relation sexuelle. La stimulation de son clitoris lui procure des sensations agréables, mais ce n'est pas l'unique source de son plaisir. Son plaisir provient en fait d'un ensemble de sensations: celles de se sentir aimée, celles des caresses, celles des odeurs, celles de la vue du corps et du son de la voix de son partenaire, qui rendent la femme euphorique. La femme retire du plaisir dans une relation sexuelle seulement s'il y a échange d'affection. De même pour l'homme, ce n'est pas son éjaculation qui lui procure le plus de bien-être, mais plutôt les émotions que la femme lui fait vivre dans l'échange d'affection. Le plaisir de l'éjaculation ne dure que dix secondes tandis que le plaisir du contact physique peut durer plusieurs heures. C'est parce que les réactions physiologiques sexuelles sont tellement différentes d'un sexe à l'autre qu'il est important d'explorer le domaine de l'affection, car c'est à ce niveau que l'homme et la femme se rejoignent. Dans un couple dysfonctionnel, les deux partenaires ont une faible estime d'eux-mêmes. Ils sont incapables d'échanges affectueux dans cette situation, ce qui fait que la femme ne retire aucun plaisir de ses relations sexuelles. Et l'homme désire seulement utiliser sa partenaire pour combler son besoin d'éjaculer. Cette relation n'est pas égalitaire puisque seul l'homme en retire un certain plaisir. Mais en réalité, ni l'homme ni la femme ne retirent un véritable bien-être dans ce type de relation. L'absence d'affection dans un couple produit des émotions de mal-être. Cet inconfort est source d'anxiété, de problèmes de santé et de souffrance émotive dans le couple. Les émotions de mal-être apparaissent si on est mal à l'aise avec les émotions qui surgissent lors d'un contact physique. Un homme incapable de s'abandonner physiquement utilise son plaisir d'éjaculer comme une façade. Celle-ci l'empêche de prendre conscience que ses relations sexuelles lui causent de la souffrance émotive même si elles semblent lui être satisfaisantes; mais une relation sexuelle est source de bien-être pour l'homme s'il se sent bien avec les émotions reliées à l'affection. C'est en s'abandonnant à sa partenaire au niveau des émotions que l'homme peut jouir pleinement d'une relation sexuelle. La principale chose qui satisfait un femme dans une relation sexuelle est l'affection. Sans cela, elle devient une poupée gonflable servant à se masturber. L'affection est indissociable d'une vie amoureuse entre un homme et une femme. C'est plus la relation affective que la relation sexuelle en tant que telle qui unit un couple. L'affection est bonne pour leur santé psychologique et physique. Les personnes qui vivent en couple sont en meilleure santé que les célibataires et elles vivent plus longtemps. Une relation de couple sans affection sous-entend la présence de violence conjugale. La violence insécurise et l'affection sécurise. Il n'existe pas une variété de types de relations de couple. Il y en a seulement deux: une relation où il y a de l'amour et une autre où il n'y en a pas. |
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