Chapitre 8 |
Tout comme la
parole, les odeurs et le corps, les gestes ont une
signification émotive dans l'affection. La gestuelle se
compose de deux types d'actions: l'une statique que je
nomme la posture et l'autre mobile que je nomme le geste.
Rappelez-vous qu'un évènement comporte une
signification émotive s'il est reconnu par le cerveau et
qu'il nous fait réagir. Ainsi, notre gestuelle
affectueuse constitue un évènement qui amène notre
partenaire à se comporter de manière spontanée envers
nous. Pour ce qui concerne la posture, elle représente les différentes positions immobiles que l'on adopte. Une posture sans contact physique envoie un message émotif détectable seulement par la vue. Il faut se rappeler qu'un échange d'affection est possible uniquement s'il y a contact physique entre deux personnes. Or, une posture sans contact sera préparatoire à l'échange d'affection puisque le langage du corps joue un grand rôle dans la communication émotive. Ainsi, plusieurs postures ont une signification consciente: pencher la tête en courbant le dos est un signe de tristesse ou de soumission; hausser les épaules veut dire que l'on ignore tout; placer une main sur le front signifie que l'on est découragé; et placer ses deux mains sur le front indique que l'on est en réflexion sérieuse ou bien angoissé. Le corps suit nos états d'esprit ou, en d'autres mots, il est le prolongement de ce qui se passe dans notre tête; et inversement, il peut produire des états d'esprit. Notre corps prend ainsi une posture différente pour chaque état d'esprit vécu. Celles que l'on adopte nous aident à surmonter nos difficultés et à mieux vivre notre quotidien en général. Par exemple, la posture qu'on prend lorsqu'on est triste sert à s'auto-consoler. Chaque état émotif implique un changement dans l'état d'équilibre de notre organisme. La posture qui nous console nous aide donc à rétablir notre équilibre métabolique. Le corps fonctionne en synergie avec notre cerveau afin de mieux faire face aux changements de notre environnement physique et social. Par exemple, si on a froid, on adopte spontanément une posture qui fait diminuer la dispersion de chaleur, soit en se recroquevillant. Ainsi, la posture que l'on prend au moment de se coucher nous donne des indications sur ce qui nous préoccupe le plus au niveau social. En effet, si on a de la difficulté à s'affirmer et à se faire reconnaître dans son entourage, on place les pouces sous ses aisselles et les mains sur ses pectoraux: cette posture signifie que l'on est au-dessus de ses affaires. Vous avez sûrement déjà vu un homme d'affaires qui prend les rebords de son veston avec ses mains en dirigeant ses pouces vers le haut et l'extérieur. En s'endormant ainsi le soir dans la position de celui qui est au-dessus de ses affaires, on préserve son estime de soi. Ne pas être considéré par ses pairs est déstabilisant émotivement et cela nous fait dépenser beaucoup d'énergie pour protéger notre intégrité psychologique. Cette posture énergise donc et nous rassure sur notre valeur comme personne: c'est comme si notre corps nous disait que l'on est bon et intelligent. Toujours au moment du coucher, si on vit une phase d'isolement et de solitude, notre corps adoptera spontanément la position de l'oeuf. Cette posture sécurisante permet de s'auto-donner de la chaleur humaine. En effet, l'isolement reflète un état psychologique de grande insécurité. Par contre, dans le cas où l'on se retrouve à devoir prendre des décisions importantes, on s'endormira sur le côté, une main ouverte sous notre tête, de manière à faciliter la prise de décision et à éviter l'anxiété. Et ainsi de suite pour chaque préoccupation: on adopte toujours une posture qui contribue à nous maintenir en santé mentale. La deuxième fonction de la posture concerne la sociabilité. Notre corps prend des positions qui changent en fonction de la qualité et du type de relation que l'on entretient avec son entourage et ses proches. Si on bouge constamment en présence d'une personne, cela signifie qu'on est mal à l'aise avec elle. Dans cette circonstance, il est préférable de quitter celle-ci le plus rapidement possible parce que notre corps a de la difficulté à rétablir son équilibre. Dans le cas contraire, on bouge beaucoup moins parce qu'on est détendu. Lorsqu'une personne nous est antipathique, on adoptera une posture favorisant le sentiment de sécurité et la préserve de l'estime de soi. À l'inverse, si elle nous procure du bien-être, on sera porté à se chercher une position confortable pour en profiter le plus possible. Le corps, peu importe les circonstances, est continuellement sollicité dans nos rapports avec les autres, soit pour s'en protéger ou pour leur apporter du bien-être. Il transmet donc de précieuses informations à travers la communication émotive. En présence d'une personne, notre posture change en fonction des émotions qui surgissent. Ainsi, si elle nous dit des paroles qui nous attristent, on adoptera une posture l'informant de cet état d'esprit. Cette information émotive est importante pour que l'autre réagisse fidèlement à notre vécu. Dans une discussion par exemple, on doit constamment s'ajuster aux émotions de l'autre, tant au niveau postural qu'en parole. Par exemple, si ma partenaire est triste, mon corps prendra une posture émettant un message émotif pour la consoler. La communication émotive se produit toujours en temps réel tandis que dans une communication verbale ou intellectuelle, on exprime des choses passées ou qui se passeront dans un temps ultérieur. La communication émotive entre deux personnes est continue et se fait simultanément avec la communication intellectuelle. Toutefois, cette dernière est complètement absente au cours d'un échange d'affection. Ainsi, pendant une discussion avec notre partenaire, on peut uniquement tenir compte de ce qui se dit verbalement. Par contre, tout en analysant intellectuellement les paroles, il est préférable de rester en contact avec ses émotions pour ressentir celles de l'autre. Il existe donc deux formes de conscience, l'une rationnelle et l'autre corporelle. La conscience rationnelle fait appel à notre intelligence ou à notre pouvoir de réflexion pour interpréter les situations de même que notre vécu intérieur. Quant à la conscience corporelle, elle se réfère au corps dans son ensemble pour analyser spontanément les évènements et le résultat de ses interprétations sont les émotions qu'il nous fait vivre. On a donc des sensations grâce à notre conscience corporelle. Celle-ci fait également réagir notre corps et nous induit des comportements inconscients par l'entremise du système nerveux autonome pour qu'on s'adapte aux situations. On peut utiliser notre conscience rationnelle pour analyser la corporelle, afin de découvrir la provenance de nos émotions. Il est aussi possible de ressentir nos émotions sans les intellectualiser, en se concentrant sur notre corps pour s'efforcer à ne rien penser. En d'autres mots, il s'agit de s'écouter vivre de la même manière qu'on écoute de la musique. Cette capacité de se concentrer pour écouter son corps est une habileté qui se développe avec la pratique. Cette habileté sensitive est importante pour mieux vivre et profiter des bienfaits de l'affection. Notre sensibilité nous permet donc d'être à l'écoute de sa partenaire pour bien réagir. En d'autres mots, elle est nécessaire pour obtenir une communication émotive efficace et pour déchiffrer la symbolique de sa posture. En premier lieu, c'est par notre posture qu'on informe notre partenaire de notre besoin d'affection. Celle-ci se caractérise par un relâchement de notre tonus musculaire. On est donc constamment porté à s'asseoir et à s'étendre comme si on était fatigué. Une fois qu'elle a reçu le message, on adopte une autre posture qui sert à préparer le terrain en vue d'un échange d'affection. Celle-ci exprime émotivement notre ouverture à recevoir l'autre dans notre intimité. C'est-à-dire qu'elle implique le retrait de certaines de nos façades afin que notre partenaire ressente qu'elle n'a rien à craindre de nous. Les postures préparant à l'affection peuvent varier d'une personne à l'autre, mais elles possèdent des caractéristiques communes: elles suggèrent toutes l'ouverture émotionnelle: habituellement, nos bras sont loin du corps et nos jambes sont décollées l'une par rapport à l'autre; on est détendu comme dans une situation d'épuisement physique de manière à se placer dans un état de vulnérabilité. Il est ainsi très sécurisant pour notre partenaire de nous percevoir comme vulnérable et c'est d'ailleurs à partir de ce sentiment de sécurité qu'elle peut s'abandonner émotionnellement. À l'inverse, dans une situation de danger face à un éventuelle agression, notre corps se cambre; on cherche un appui solide au sol, à un mur, à un poteau ou à un arbre, et on se recroqueville pour se protéger en réduisant la surface de notre corps exposé aux coups. La posture de protection absolue se décrit comme suit: on s'accroupit pour former une boule avec notre corps, nos genoux sont collés sur notre ventre, nos mains se placent derrière notre tête, notre menton va se coller sur notre cou et tous nos muscles sont fortement contractés, reflétant alors notre état de grande tension. Par contre, la posture qu'on adopte avant un échange d'affection représente un état de sécurité absolue. Elle se caractérise alors par une grande détente musculaire, et par l'allongement et l'éloignement des membres. Lorsqu'on se se sent bien, on arrête de combattre l'attraction terrestre et l'on s'enfonce dans un fauteuil ou un lit. Après que la posture ait joué son rôle préparatoire, le geste entre en action. La posture influence le comportement de manière exclusivement passive car tout se déroule au niveau de la conscience corporelle tandis que le geste induit des comportements, autant de manière passive qu'active parce qu'on peut décider des mouvements que l'on va faire. L'affection ne constitue pas une perte complète de contrôle sur notre capacité d'évaluer les choses car cela nous ferait tomber dans l'inconscience. Donc durant un échange d'affection, on demeure parfaitement conscient de tout ce qui se passe. Mais cette activité monopolise notre attention; nos pensées concernent seulement le bien-être que l'on peut apporter à sa partenaire. Ainsi, nos consciences rationnelle et corporelle deviennent sélectives: elles choisissent les actions les plus profitables pour le bien-être du corps. Finalement, au cours d'un échange d'affection, on devient moins sensible aux stimulations sonores, visuelles et olfactives de notre environnement immédiat. Ainsi, dans la pièce où l'on se trouve, on cesse d'entendre la radio, la télévision ou le réfrigérateur; notre regard se porte uniquement sur notre partenaire et on ne détecte plus l'odeur de la nourriture en train de cuire. Comme l'abandon physique correspond au retrait de nos façades pour se livrer émotionnellement par l'entremise de notre corps, il est nécessaire de s'abandonner aussi au niveau du rationnel. S'abandonner rationnellement, c'est arrêter de se préoccuper des conséquences de nos actions. Ainsi, prendre la décision de s'abandonner physiquement est une folie en soi. Il faut savoir prendre des risques pour faire confiance à notre partenaire, car elle pourrait profiter de notre état de vulnérabilité pour nous faire du mal. Le geste entre en jeu autant dans l'abandon rationnel que dans l'abandon physique. S'abandonner rationnellement au cours d'un échange d'affection signifie laisser libre cours à notre imagination. Le geste affectueux s'exécute dans un élan imaginaire dénué de jugement. L'abandon rationnel consiste à ne plus juger ou évaluer la situation pour se centrer sur notre partenaire et sur ce qui se passe à l'intérieur de soi, et vivre ainsi le moment présent au maximum. Dans l'affection, il importe de se concentrer pour éviter que notre esprit dérive vers nos préoccupations quotidiennes. Par la concentration, on peut diriger nos gestes, caresses et étreintes selon un schème de références émotives établi par l'expérience. En effet, le geste constitue une combinaison du rationnel et du spontané. Avec le rationnel, on décide de se placer dans une situation qui favorisera l'apparition d'un comportement spontané. L'hiver, par exemple, on sait qu'on va avoir du plaisir en se laissant glisser sur un traîneau du haut d'une pente enneigée. La glissade est une activité comportant une forme d'abandon: ainsi, moins on aura de contrôle sur la vitesse et la direction du traîneau, plus le plaisir sera grand. De même, dans un échange d'affection plus on va se laisser agir spontanément en réaction aux sensations du corps de notre partenaire et plus on en retirera du bien-être. Le comportement affectueux comporte un aspect actif et passif. L'élan affectif correspond au côté actif. Être actif signifie agir afin d'obtenir une réaction de l'autre. Alors que recevoir de l'affection en constitue le côté passif. Être passif signifie apprécier ce que notre partenaire nous fait vivre. Finalement, au cours d'un échange d'affection, on reçoit et on donne simultanément. En effet, il est impossible de demeurer uniquement passif car cela provoquerait un sentiment d'impuissance qui nous ferait remettre nos façades. On est impuissant face aux effets de l'affection, mais on ne perd pas le pouvoir sur soi-même. Ce sentiment d'impuissance est très insécurisant et il se vit dans des situations d'accident ou d'agression physique. Ainsi, aussitôt qu'on reçoit de l'affection, on est poussé à en donner aussi afin de se sentir en sécurité. Un corps humain correspond à la plus grande source de bien-être et de plaisir pour un autre corps humain. Il est une source d'énergie bienfaisante et précieuse. Le plaisir provient autant du fait de donner que de recevoir de l'affection. En caressant et en serrant dans ses bras sa partenaire, on capte toute son énergie; et en se laissant toucher, on reçoit une attention intense qui nous amène à se sentir bien. La sensation d'un corps qui s'abandonne dans nos bras nous procure un énorme plaisir et un sentiment qui nous valorise. Le corps de notre partenaire est une boule de chaleur et d'émotions qui agit sur notre émotivité (elle est touchante), de sorte qu'on la perçoit comme la personne la plus importante au monde. Comme je le disais auparavant, chaque geste et posture est reconnu par le cerveau et enclenche une réaction physiologique et psychologique qui est toujours la même d'une fois à l'autre. Car le corps a intrinsèquement un but très précis, celui de produire des endorphines pour induire un état de bien-être nécessaire à son bon fonctionnement. Un échange d'affection est une succession d'actions réactions: un geste en amène un autre en réaction au plaisir qu'il procure, à nous et à notre partenaire. Plus on fait des caresses, plus le plaisir augmente; et plus le plaisir augmente, plus on donne des caresses. Les gestes de l'affection sont faits dans un élan passionnel. Il peuvent se comparer aux mouvements des vagues sur une plage: les gestes correspondent à la phase où l'eau monte et tombe sur la plage et le plaisir, à la phase où l'eau redescend vers le large. Chacun de nos mouvements renferme une grande quantité d'énergie émotive qui se déverse pour apporter du bien-être à sa partenaire. Après une étreinte, il y a un moment d'arrêt pour refaire le plein d'énergie et pour nous permettre d'apprécier ses effets euphorisants. L'énergie que contient une geste correspond à la passion. Et celle-ci renferme tous les sentiments que l'on ressent pour sa partenaire. Un échange d'affection n'est pas une action préméditée; il survient spontanément sans qu'on ait besoin d'y penser. La passion qui nous habite déclenche le processus au moment où on est en présence de notre partenaire. Notre corps utilise celui de notre partenaire pour assouvir son besoin de sécurité. Cette utilisation ne se fait pas rationnellement, mais plutôt inconsciemment. C'est une manipulation qui ne constitue cependant pas un abus parce qu'elle ne se fait pas au détriment de l'autre. En effet, dans un échange d'affection, les deux personnes consentent consciemment et inconsciemment au fait d'être utilisées par l'autre. En d'autres mots, autant on utilise notre partenaire pour notre plaisir, autant celle-ci fait de même. Finalement, un échange d'affection constitue un consentement mutuel à servir de source de plaisir pour l'autre. Lorsqu'on s'abandonne émotionnellement, on a le sentiment de posséder l'autre. Le besoin d'affection sous-entend le besoin de posséder l'autre pour son propre bien-être. La mère appartient à son bébé et non l'inverse, car celui-ci prend tout de sa mère et ne donne rien en retour. Tandis que dans une relation amoureuse, il y a égalité: tout comme on devient la possession de notre partenaire, elle devient notre possession. L'abandon signifie donc de ne plus s'appartenir. Par le geste affectueux, on garde l'autre captif psychologiquement pour siphonner son énergie émotionnelle. Se faire siphonner son énergie est autant source de plaisir que de siphonner l'énergie de l'autre. Une relation affectueuse est égalitaire car l'énergie que sa tendre moitié puise chez soi, on la puise en même quantité chez elle. L'énergie circule constamment d'un corps à l'autre et ainsi de suite; donc ni l'un ni l'autre ne se retrouve en déficit énergétique. L'affection constitue une combinaison de postures et de gestes. Les postures correspondent à la partie passive où l'on reçoit l'affection et les gestes, à la partie active ou l'on donne de l'affection à l'autre. C'est à travers le geste que nous faisons sentir à l'autre que nous l'aimons. Psychologiquement parlant, en rendant notre partenaire euphorique, on lui prouve qu'on l'aime profondément. La plus grande preuve d'amour réside d'ailleurs dans le fait de s'abandonner physiquement à elle. |
RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES
Copyright © 2000, Les Éditions de la femme Tous droits réservés.